Retraite : connaître et rectifier vos droits à pension:

Les informations légales sur vos droits futurs à pension, délivrées par les organismes de retraite, ne sont pas toujours exactes et peuvent donc vous induire en erreur. La procédure à suivre pour tout vérifier et procéder aux rectifications nécessaires.         

Depuis 2007 et comme suite à la loi dite Fillon sur les retraites du 21 août 2003, les salariés du privé ont droit à une information très précise sur leur retraite : quand ils pourront la prendre à taux plein, quel sera son montant, etc. Actuellement deux types de formulaires vous sont adressés selon votre âge : le relevé de situation individuelle (RSI) et l'estimation indicative globale (EIG). Le premier liste tous les droits que vous avez acquis auprès des différents organismes publics de retraite, le régime de base de la sécurité sociale (CNAV), les régimes complémentaires mais obligatoires, Arrco pour tous les salariés et Agirc pour ceux qui sont cadres. La seconde, vous donne le montant indicatif de la retraite à laquelle vous aurez droit (base + complémentaire). Surtout, elle vous indique à quel âge vous aurez droit à votre retraite à taux plein. Un examen attentif s'impose car ces informations ne sont pas toujours justes et peuvent vous induire en erreur.

La montée en puissance de l'information

Un organisme, le GIP Info Retraite, a été créé spécialement pour rassembler les informations issues des 35 régimes de retraite obligatoires et vous délivrer l'information la plus juste possible. Chaque année, le dispositif d'information monte en puissance. Cette année (en 2010), toutes les personnes du privé qui ont 35 ans recevront automatiquement un RSI, qui leur sera ensuite envoyé tous les 5 ans (à 40, 45 et 50 ans). Quant à l'envoi de l'EIG, il va être généralisé à toute personne atteignant 55 ans, et il sera ensuite également renouvelé tous les cinq ans jusqu'au départ à la retraite.

1/ Faire rectifier les erreurs dès que vous les constatez...

Au fil du temps, l'information fournie s'améliore. Mais, en attendant, il est absolument indispensable de partir à la chasse aux erreurs et cela au plus tôt possible. Si votre RSI ou votre EIG ne sont pas complets et qu'il vous manque par exemple des trimestres de cotisation, ou s'ils contiennent des erreurs, il faut immédiatement les faire rectifier en appelant au numéro qui figure en bas du document. Cet organisme devrait normalement se charger de faire le nécessaire et une fois l'oubli ou l'erreur corrigés, il vous adressera de nouveaux RSI ou EIG amendés.

Plus tôt les choses sont corrigées, moins vous attendrez pour recevoir l'intégralité de la retraite à laquelle vous avez droit. Et, une fois la correction faite, elle est définitivement intégrée. Vous n'aurez plus à la faire rectifier au moment de la liquidation de votre retraite, ce qui facilitera le versement de votre pension. Par ailleurs, la correction immédiate vous permet de vous appuyer sur des éléments fiables pour prendre les bonnes décisions concernant votre départ à la retraite : si des trimestres ont été oubliés, la date de départ à la retraite à taux plein indiquée dans votre estimation indicative globale est fatalement fausse, tout comme le montant indiqué de votre probable pension. 

2/ ... surtout s'il s'agit de situations complexes

Signaler les erreurs trois mois avant la départ à la retraite suffit normalement à les rectifier suffisamment tôt pour la pension versée soit la bonne. C'est le cas quand les documents à produire pour justifier de ses droits sont faciles à trouver comme le livret militaire (pour justifier des trimestres acquis à l'armée) ou le livret de famille (pour justifier des droits complémentaires attachés aux enfants). Pour les situations plus délicates, comme la validation des périodes travaillées à l'étranger, mieux vaut s'y prendre beaucoup plus tôt. En trois mois, il peut être difficile de rassembler tous les documents justificatifs. La pension est alors versée sans prise en compte de ces droits et régularisée ensuite. "Quand il y a des éléments manquants, il faut nous prévenir dès réception de l'EIG. Plus l'information est complète et juste avant le départ à la retraite, plus la liquidation et le calcul de la pension se font rapidement, sans rupture de droits", explique Véronique Brousse, directrice de la maîtrise d'ouvrage du système d'information à la CNAV (caisse nationale d'assurance vieillesse).

3/ Vérifier que toutes les années travaillées sont bien prises en compte

Dans le RSI comme dans l'EIG, il y chaque fois un grand tableau avec dans chaque ligne le détail des trimestres cotisés dans l'année. "Pour la retraite de base, comme les retraites complémentaires, il faut déjà vérifier ligne par ligne que toutes les années travaillées sont bien répertoriées", explique Pierre Péchery, directeur général de France Retraite, un cabinet de conseil privé. C'est très facile à voir s'il en manque. Ensuite, si vous avez travaillé toute l'année, il faut que les quatre trimestres soient bien indiqués dans la ligne. Là encore les erreurs sont très faciles à dépister. Il faut reproduire l'exercice pour le relevé de la CNAV (retraite de base de la sécurité sociale), mais aussi pour ceux de l'Arrco et de l'Agirc. Même si vous avez cumulé plusieurs employeurs, sachez que dans tous les cas, vous ne pouvez jamais valider plus de quatre trimestres par an.

4/ Vérifier que les stages ou petits boulots sont aussi comptabilisés

Toutes les périodes travaillées doivent être prises en considération, même les petits boulots ou les stages, qui sont souvent oubliés. Chaque fois que vous avez travaillé, que vous étiez déclaré et que vous avez donc payé des cotisations, il faut vérifier que ces périodes ont bien été prises en compte. Sinon, il faut les faire rajouter. "Si vous avez été rémunéré à hauteur de 200 SMIC horaires, c'est-à-dire environ 1.700 euros brut actuellement, au cours d'un trimestre civil, vous avez normalement validé un trimestre de retraite de base Sécurité sociale", explique Pierre Péchery.

5/ La période de service militaire vous donne aussi des droits

Les messieurs doivent vérifier que leurs périodes de service militaire ont bien été validées. Une année d'armée est égale à une année travaillée et procure normalement 4 trimestres. Ils ont trop souvent été oubliés dans les EIG ou RSI des années passées. Il y a cependant du progrès. "Nous avons passé un accord avec l'armée en 2008 et cette information nous est désormais automatiquement adressée", précise Véronique Brousse, directrice de la maîtrise d'ouvrage du système d'information de la CNAV. Mais attention, tous les corps d'armée ne sont pas encore concernés, "cette transmission automatique n'est pas encore en place pour l'armée de l'air", selon Véronique Brousse. Pour ceux qui ont fait leur service national dans cette arme, il faut donc vérifier attentivement que vos trimestres ont été validés et à défaut, prévenir la caisse dont le numéro figure sur le document, pour qu'elle rajoute les trimestres manquants.

6/ Les majorations pour enfant sont rarement prises en compte...

Dans l'EIG, les organismes de retraite obligatoires prennent rarement en compte votre situation personnelle et notamment votre situation de famille. "Une femme a droit, pour chaque enfant qu'elle a élevé, à 8 trimestres validés de plus au titre du régime de base de la CNAV. Or, ils sont très souvent oubliés, ce qui fausse complètement l'information délivrée, notamment quant à la date de départ à taux plein. Pour deux enfants, ce sont effectivement 16 trimestres cotisés qui peuvent être passés à la trappe, c'est beaucoup", fait valoir Pierre Péchery. La CNAV ne prend en effet en compte le nombre de trimestre pour enfant, que si elle a effectivement obtenu l'information, ce qui est loin d'être automatique. "Quand les assurés ont 54 ans, la CNAV leur envoie un relevé de carrière et leur demande de l'informer de leur situation de famille, ce qui lui permet d'envoyer une estimation indicative globale, plus complète l'année suivante", explique Véronique Brousse. Si effectivement vous n'informez pas la CNAV de votre situation familiale exacte, il y a peu de chance que votre EIG soit juste. Il faut alors le faire rectifier au plus vite. C'est très facile, il suffit souvent de produire une pièce justificative, le plus souvent la copie du livret de famille suffit.

7/ ...la majoration pour le 3ème enfant aussi

A compter du 3ème enfant, tous les régimes obligatoires appliquent une majoration de votre pension : 10% à la CNAV quelque soit le nombre d'enfant après le 3ème et une majoration qui est variable à l'Argic et à l'Arrco en fonction du nombre d'enfant supérieur au-delà de trois. "Ces majorations ne sont jamais prises en compte dans le calcul prévisionnel de votre pension fait dans l'EIG, qui est donc a priori, si vous avez eu 3 enfants, inférieur à ce à quoi vous avez effectivement droit", selon Pierre Péchery. Mais attention, les organismes de retraite vous préviennent que le montant indiqué dans l'EIG est à majorer. "Si vous avez eu 3 enfants ou plus, le montant de votre retraite régime général (CNAV) est à majorer de 10%", est-il indiqué dans l'EIG sous le tableau des droits acquis à la CNAV. Concernant l'Agirc et l'Arrco, figure également la mention suivante sous le tableau de vos droits, "si vous avez eu ou élevé trois enfants ou plus, une majoration pourra éventuellement s'appliquer sur le montant de votre retraite lors de la liquidation des droits à la retraite", ce qui en clair signifie que le montant indiqué n'est pas le ... bon.

8/ Une valeur du point estimative

Dans vos relevés Agirc et Arcco sont indiqués les montants de points de retraite que vous avez acquis, ainsi qu'une valeur indicative de ces points à la date où est envoyé le relevé. Mais, la valeur du point varie dans le temps. Celle qui vous sera réellement appliquée est celle en vigueur au moment où vous prendrez votre retraite. Bonne nouvelle, jusqu'à présent, la valeur du point n'a jamais baissé, ce qui n'empêche pas le rendement de baisser en raison de l'augmentation du coût d'achat du point

9/ Vérifier que toutes les caisses auxquelles vous avez cotisé sont bien répertoriées

Si vous êtes cadre et que vous avez changé plusieurs fois de secteur d'activité, vous avez, au cours de votre carrière, cotisé à plusieurs caisses Agirc. Normalement pour faire votre estimation globale (EIG), c'est la dernière caisse Agirc qui est sensée rassembler tous les points acquis, même ceux qui l'ont été auprès des précédents caisses cadres. Il arrive que ce travail n'ai pas été fait et que seuls les points acquis au titre de la dernière caisse cadre à laquelle vous avez été rattaché figurent dans l'EIG. C'est très facile à détecter : dans la colonne Agirc, seules les années de rattachement à la dernière caisse sont renseignées, pas les précédentes. Dans ce cas le montant indicatif de votre pension est naturellement erroné. Il convient alors de vous rapprocher de la dernière caisse Agirc pour lui signaler l'oubli : c'est elle qui fait de travail de compilation des données auprès des précédentes caisses Agirc.  

MIREILLE WEINBERG, Les Echos

www.lesechos.fr le 19/03/2010